Les actions américaines ont progressé vendredi alors que les investisseurs évaluaient les derniers chiffres d’inflation et les annonces tarifaires du président Donald Trump. Tandis que les données économiques confortent l’idée d’un ralentissement maîtrisé des prix, la politique commerciale américaine suscite inquiétudes et spéculations sur l’avenir des marchés mondiaux.

À court terme, les marchés américains bénéficient de l’optimisme lié à une inflation maîtrisée et à l’espoir d’un assouplissement monétaire. Toutefois, l’ombre des tarifs de Trump plane sur la stabilité des échanges commerciaux et sur la confiance des entreprises mondiales.
L’issue dépendra de la capacité de l’économie américaine à maintenir sa dynamique tout en absorbant les tensions protectionnistes. Comme le souligne Brian Coulton, économiste en chef de Fitch Ratings : « Le véritable test viendra quand les tarifs se traduiront par des hausses de prix tangibles. Si la consommation faiblit, le rallye boursier pourrait s’essouffler rapidement ».
Inflation modérée et espoirs de stabilité monétaire
Les chiffres publiés par le département du Commerce montrent que les dépenses de consommation des ménages américains ont augmenté de 0,6 % en août 2025, confirmant la résilience de la demande intérieure. Dans le même temps, l’indice des prix à la consommation de base (core PCE), la mesure d’inflation privilégiée par la Réserve fédérale (Fed), a progressé de 2,9 % sur un an.
Ce rythme reste supérieur à l’objectif officiel de 2 %, mais il traduit une décélération par rapport aux pics enregistrés en 2022 et 2023. Pour de nombreux analystes, ces données confortent l’hypothèse d’une politique monétaire plus accommodante dans les prochains mois.
Selon Michael Gapen, économiste en chef de Bank of America, cité par Reuters, « la stabilité de l’inflation de base offre à la Fed une marge de manœuvre pour éviter un durcissement supplémentaire. Les marchés anticipent désormais une baisse des taux au premier semestre 2026 si la tendance se confirme ».
La perspective d’un assouplissement monétaire a contribué à la bonne tenue de Wall Street, où le S&P 500 a clôturé en hausse de 0,9 %, atteignant un nouveau record historique.
Tarifs trumpiens : un nouvel épisode de guerre commerciale
En parallèle, l’attention des investisseurs reste focalisée sur la politique commerciale de l’administration Trump. Le président a annoncé une série de nouveaux droits de douane visant des secteurs stratégiques. Parmi les mesures phares figurent :
- une taxe de 100 % sur les médicaments importés lorsque les entreprises concernées n’investissent pas dans la construction d’usines aux États-Unis ;
- un droit de 25 % sur les camions lourds importés ;
- des hausses ciblées sur certains produits manufacturés et biens de consommation.
Lors d’un discours à Washington, Donald Trump a justifié ces mesures en déclarant que « l’Amérique ne peut plus dépendre de chaînes d’approvisionnement étrangères pour ses biens vitaux. Ces tarifs obligeront les multinationales à ramener les emplois sur notre sol ».
Cette stratégie s’inscrit dans une volonté de protectionnisme économique, déjà amorcée durant son premier mandat entre 2017 et 2021. Elle vise à renforcer l’industrie nationale mais comporte un risque : celui de provoquer une hausse des prix pour les consommateurs et une riposte commerciale de partenaires internationaux comme l’Union européenne ou la Chine.
Réactions sectorielles contrastées
Les marchés financiers ont réagi de façon hétérogène aux annonces.
Industrie pharmaceutique
Les actions de plusieurs grands laboratoires américains, tels que Eli Lilly ou Pfizer, ont légèrement progressé. Les investisseurs estiment que les entreprises déjà implantées aux États-Unis pourraient bénéficier d’un avantage compétitif si leurs rivales étrangères sont contraintes de supporter des coûts supplémentaires.
En revanche, les sociétés asiatiques du secteur pharmaceutique ont subi un repli, certaines perdant plus de 4 % à la Bourse de Tokyo. Les analystes de Nomura ont averti que « les tarifs risquent de réduire la rentabilité des fabricants dépendants des exportations vers les États-Unis, tout en pesant sur les chaînes d’approvisionnement mondiales ».
Automobile et transport
L’annonce d’une taxe de 25 % sur les camions importés a particulièrement affecté les constructeurs étrangers, notamment allemands. Daimler Truck Holding a perdu près de 3 % à Francfort, tandis que Volvo Group reculait de 2 % à Stockholm.
Aux États-Unis, certains fabricants locaux pourraient bénéficier d’un surcroît de compétitivité. Néanmoins, plusieurs associations professionnelles ont exprimé leur inquiétude. Le président de l’American Trucking Associations a averti que « toute hausse de prix sur les véhicules de transport se répercutera sur le coût de la logistique et donc sur l’ensemble de l’économie ».
Une Bourse en plein rallye… mais fragile
Les indices américains connaissent une progression spectaculaire depuis le début de l’année. Le S&P 500 a enregistré 25 records en trois mois, et les cours ont grimpé de près de 13 % en 2025. Cette tendance traduit un fort appétit pour le risque, alimenté par l’optimisme sur l’économie américaine et l’essor de secteurs comme la technologie et l’énergie.
Cependant, certains stratèges mettent en garde contre un excès de confiance. D’après un rapport de Reuters, « le marché pourrait se heurter à un mur en cas de surprise négative sur l’inflation ou les bénéfices, compte tenu de valorisations déjà élevées ».
L’indice Nasdaq, très exposé aux valeurs technologiques, reste particulièrement vulnérable. Un ralentissement dans l’adoption de l’intelligence artificielle ou une baisse de la demande mondiale de semi-conducteurs pourrait déclencher une correction brutale.
Confiance des entreprises et perspectives économiques
Une enquête conjointe de la Réserve fédérale d’Atlanta et de Richmond indique que la confiance des directeurs financiers s’est redressée ces derniers mois. Seuls 30 % des chefs d’entreprise citent désormais les tarifs comme une menace majeure, contre 40 % précédemment.
Néanmoins, beaucoup anticipent des hausses de prix différées, estimant que l’impact complet des nouveaux droits de douane pourrait se matérialiser à partir de 2026. « Les entreprises absorbent une partie du choc à court terme, mais elles finiront par répercuter les coûts sur les consommateurs », souligne Julia Coronado, économiste indépendante, dans une note citée par Bloomberg.
Enjeux internationaux : l’Europe et la France en première ligne
L’impact des tarifs américains dépasse largement les frontières nationales. Pour les exportateurs européens, notamment dans les secteurs pharmaceutique et automobile, les mesures représentent un défi stratégique.
La France, dont plusieurs laboratoires fournissent des produits pharmaceutiques aux États-Unis, pourrait voir ses exportations affectées. De même, l’Allemagne, très dépendante de son industrie automobile, figure parmi les pays les plus exposés.
La Commission européenne a averti qu’elle se réservait le droit de répondre en cas de « violation des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ». Selon des diplomates européens, Bruxelles envisage d’imposer des mesures de rétorsion ciblées si les tarifs américains sont appliqués de façon unilatérale.
Pour François Vidal, éditorialiste aux Échos, « l’Europe doit se préparer à un scénario de fragmentation accrue du commerce mondial. L’unilatéralisme tarifaire américain risque d’affaiblir le multilatéralisme et d’accélérer la constitution de blocs économiques rivaux ».
Tarif Douanier de 50 % sur l’Inde : Les Négociations Entre Washington et New Delhi Bloquées
Le rôle clé de la saison des résultats
La saison des résultats trimestriels, qui débutera mi-octobre, sera déterminante pour l’avenir du rallye boursier. Si les bénéfices des grandes entreprises dépassent les attentes, les marchés pourraient prolonger leur progression malgré les incertitudes tarifaires.
En revanche, des résultats décevants ou des prévisions prudentes pourraient inverser la tendance. « Les investisseurs ont intégré un scénario de croissance solide et de marges préservées. Toute divergence par rapport à ce récit entraînera des corrections rapides », estime Savita Subramanian, stratégiste de Bank of America.