IDB : Les Bahamas en tête des Caraïbes en matière de gouvernance des catastrophes

Grâce à un prêt de 160 millions de dollars, les Bahamas visent à devenir le leader régional en gouvernance des catastrophes, en renforçant leurs institutions, leurs infrastructures et leur résilience économique face au changement climatique.

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Grâce à un prêt de 160 millions de dollars approuvé par la Banque interaméricaine de développement (IDB), les Bahamas s’imposent comme le pays le plus avancé des Caraïbes en matière de gouvernance des catastrophes naturelles. Ce financement vise à renforcer la résilience institutionnelle et économique du pays face aux ouragans et aux effets du changement climatique, tout en établissant un cadre de gestion du risque aligné sur les normes internationales.

Les Bahamas en tête des Caraïbes
Les Bahamas en tête des Caraïbes

La mise en œuvre du programme soutenu par l’IDB pourrait transformer durablement la capacité des Bahamas à faire face aux catastrophes naturelles. En renforçant ses institutions, en modernisant ses infrastructures et en intégrant le risque dans sa stratégie économique, le pays pose les bases d’un modèle durable et reproductible.

Le chemin sera long et semé d’obstacles, mais la direction est claire : bâtir un État insulaire résilient, capable non seulement de survivre aux ouragans, mais aussi de prospérer malgré eux.

Un archipel particulièrement vulnérable

Composé de plus de 700 îles et îlots, l’archipel des Bahamas se situe au cœur de la ceinture atlantique des ouragans. Au cours des deux dernières décennies, il a été frappé par une quinzaine d’événements majeurs, entraînant des centaines de morts et des milliards de dollars de pertes économiques.

L’ouragan Dorian, en 2019, a illustré la gravité de cette exposition. Classé catégorie 5, il a dévasté les îles Abaco et Grand Bahama, laissant derrière lui un paysage de destruction totale. Le coût des dommages a été estimé à près d’un quart du produit intérieur brut du pays, provoquant un choc durable sur l’économie et les infrastructures.

Cette vulnérabilité est aggravée par la structure économique du pays : le tourisme représente environ la moitié du PIB et emploie près de 60 % de la population active. Une catastrophe naturelle majeure entraîne donc un double impact : humain et économique. Le ralentissement du tourisme après un ouragan se traduit par une chute immédiate des recettes fiscales et une hausse du chômage.

La stratégie de l’IDB pour la résilience climatique

Face à cette réalité, la Banque interaméricaine de développement a conçu un programme en deux volets pour accompagner le gouvernement bahamien dans la modernisation de sa gouvernance des risques.

Le premier volet, déjà mis en œuvre, a permis de renforcer le cadre législatif par l’adoption du Disaster Risk Management Act. Cette loi établit les bases d’une gestion coordonnée entre les institutions publiques et privées, tout en intégrant la réduction du risque dans les politiques nationales d’aménagement, de finance et d’environnement.

Le second volet, soutenu par le prêt de 160 millions de dollars, poursuit un objectif plus opérationnel. Il s’agit de doter le pays d’instruments concrets : normes nationales d’assistance humanitaire, stratégie financière intégrée pour la gestion des risques, système d’information géographique sur les menaces climatiques, et mécanismes d’alerte rapide. L’ensemble vise à créer un écosystème complet de prévention, de réponse et de reconstruction.

Ce financement s’étend sur une période de vingt ans, assortie d’une période de grâce de cinq ans et demi. Il s’accompagne d’un suivi rigoureux des performances institutionnelles et de la mise en œuvre effective des réformes.

Mesurer la gouvernance : l’indice iGOPP

Pour évaluer les progrès réalisés, l’IDB utilise un indicateur reconnu au niveau international : l’Index of Governance and Public Policy in Disaster Risk Management (iGOPP). Cet indice mesure la qualité de la gouvernance des catastrophes à travers des critères tels que la préparation, la planification, la coordination interinstitutionnelle et la gestion financière des risques.

En 2020, les Bahamas affichaient un score inférieur à la moyenne régionale, reflétant un manque de coordination et des capacités institutionnelles limitées. Les réformes actuellement en cours devraient porter ce score à près de 40 %, un bond significatif qui placerait le pays en tête des Caraïbes.

Selon les analyses de l’IDB, chaque point gagné sur cet indice se traduit par une réduction mesurable des pertes humaines et économiques lors de catastrophes naturelles. L’amélioration prévue pourrait ainsi permettre de diminuer d’environ 20 % le nombre de décès et de 25 % les pertes financières liées aux événements extrêmes.

Un modèle de gouvernance à bâtir

Les réformes menées par les Bahamas reposent sur une approche intégrée. Le gouvernement entend créer une autorité nationale de gestion du risque chargée de coordonner l’ensemble des politiques publiques liées aux catastrophes naturelles. Cette agence travaillera en étroite collaboration avec le ministère des Finances, le ministère des Travaux publics et les collectivités locales afin d’assurer la cohérence des actions.

L’un des volets prioritaires concerne la modernisation du code du bâtiment. Ce dernier doit intégrer des normes parasismiques et anti-ouragan plus strictes, adaptées aux nouvelles réalités climatiques. L’adoption de ces normes conditionnera le déblocage d’une partie du financement international.

Un autre axe stratégique est la mise en place d’un cadre financier de résilience. Celui-ci permettra au gouvernement de disposer de ressources d’urgence dès qu’une catastrophe survient, évitant ainsi de dépendre uniquement de l’aide internationale post-désastre. Il inclura des instruments d’assurance souveraine, des lignes de crédit contingentes et un fonds national de reconstruction.

Les défis de mise en œuvre

Malgré l’ambition du projet, plusieurs défis subsistent. Le premier concerne la capacité administrative. Les institutions bahamiennes, encore limitées en ressources humaines et techniques, devront absorber un volume de travail considérable. Les retards dans la révision du code du bâtiment ou dans la validation des politiques publiques pourraient ralentir l’ensemble du processus.

Le deuxième défi est financier. La dette publique du pays dépasse 80 % du PIB, limitant la marge de manœuvre budgétaire. Si le prêt de l’IDB allège temporairement la pression, il impose également des obligations de performance et de transparence. Le gouvernement devra démontrer sa capacité à gérer efficacement les fonds et à maintenir la viabilité de sa dette.

Enfin, le troisième défi est institutionnel. La réussite du programme dépendra d’une coordination fluide entre ministères, collectivités locales et partenaires internationaux. L’expérience régionale montre que la fragmentation administrative est l’un des principaux freins à la gouvernance des catastrophes dans les Caraïbes.

Une approche régionale et intégrée

L’initiative bahamienne s’inscrit dans un mouvement plus large de transformation de la gestion du risque dans la région. D’autres États, tels que la Barbade, la Jamaïque ou Sainte-Lucie, travaillent également avec des institutions internationales pour renforcer leur résilience. Toutefois, les Bahamas se distinguent par leur approche systémique : il ne s’agit pas seulement d’améliorer la réponse d’urgence, mais d’intégrer le risque dans la planification économique et budgétaire nationale.

Cette stratégie repose sur quatre piliers :

  1. Prévention, par la planification urbaine et la protection des écosystèmes ;
  2. Préparation, grâce à la formation des institutions et à la sensibilisation du public ;
  3. Réponse, à travers des mécanismes d’alerte rapide et de secours coordonné ;
  4. Reconstruction, par des politiques de relèvement durable et la reconstruction « plus forte ».

L’objectif à long terme est de passer d’une gestion réactive à une culture de prévention. En intégrant la gestion des risques dans l’éducation, l’économie et la politique publique, le pays espère réduire la dépendance aux aides d’urgence et améliorer la sécurité de ses citoyens.

Retombées économiques et sociales attendues

Les retombées du programme vont bien au-delà du cadre institutionnel. Une meilleure gouvernance du risque se traduit par une baisse des coûts d’assurance, une attractivité accrue pour les investisseurs et une plus grande stabilité macroéconomique.

Pour les habitants, cela signifie des logements plus sûrs, des infrastructures plus résistantes et une reprise plus rapide après les catastrophes. Dans un pays où plus de 90 % de la population vit à moins de cinq mètres au-dessus du niveau de la mer, ces mesures sont vitales.

Le secteur privé est également appelé à jouer un rôle central. Les banques, compagnies d’assurance et acteurs du tourisme seront encouragés à adopter des pratiques alignées sur les standards internationaux de durabilité et de gestion des risques. Le gouvernement prévoit d’introduire des incitations fiscales pour les entreprises qui investissent dans la résilience ou participent aux programmes communautaires de préparation aux catastrophes.

Une gouvernance de référence pour les Caraïbes

Si les objectifs fixés sont atteints, les Bahamas deviendront un modèle régional. L’expérience pourrait inspirer d’autres nations caribéennes à renforcer leurs cadres législatifs et financiers en matière de résilience climatique. Le pays offrirait ainsi un exemple de transformation réussie, combinant rigueur budgétaire, innovation institutionnelle et engagement communautaire.

Le leadership bahamien pourrait également servir de base à la création d’un réseau régional de partage des connaissances, soutenu par les institutions multilatérales. Ce réseau faciliterait la circulation des bonnes pratiques et la coordination en cas de catastrophes transfrontalières.

À long terme, cette dynamique pourrait contribuer à renforcer la position des Caraïbes dans les négociations internationales sur le financement climatique, en mettant en avant des modèles concrets de gouvernance et de performance.

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Une ambition à la hauteur des défis

Les Bahamas se trouvent à un tournant historique. Confrontées à la menace croissante du changement climatique, elles choisissent la voie de la réforme structurelle et de la gouvernance responsable. Ce choix n’est pas sans difficultés, mais il témoigne d’une volonté politique rare dans la région.

Pour le Premier ministre et son équipe, l’enjeu dépasse le cadre national : il s’agit de démontrer qu’un petit État insulaire peut, par une gestion rigoureuse et une vision à long terme, devenir un acteur de référence en matière de résilience climatique.

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