Exportateurs Étranglent Les Prix : Plus De 85% De Réduction, Les Pêcheurs Haïtiens Menacent D’Arrêter Le Commerce D’Anguilles !

Les pêcheurs haïtiens dénoncent une réduction de plus de 85 % des prix imposée par les exportateurs et menacent de cesser toute activité. Le dossier des exportateurs étranglant les prix illustre la fragilité d’un secteur clé pour les communautés locales.

Published On:

Depuis plusieurs semaines, les pêcheurs haïtiens spécialisés dans la capture d’anguilles dénoncent une réduction de plus de 85 % des prix d’achat imposée par des exportateurs. Face à ce qu’ils considèrent comme une exploitation intenable, ils menacent désormais de suspendre tout commerce d’anguilles, une activité vitale pour de nombreuses familles côtières et fluviales. Le dossier des exportateurs qui étranglent les prix cristallise les inquiétudes d’un secteur déjà fragile.

Exportateurs Étranglent Les Prix
Exportateurs Étranglent Les Prix

Le poids de la pêche d’anguilles en Haïti

La pêche occupe une place importante dans l’économie informelle haïtienne, notamment dans les régions côtières et fluviales. Les anguilles de rivière, en particulier, sont capturées de nuit à l’aide de filets ou de pièges traditionnels. Pour certains pêcheurs, cette activité représente la principale source de revenu en saison, surpassant même l’agriculture vivrière.

Selon la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), les ressources en eau douce d’Haïti présentent un potentiel considérable mais sous-exploité. Les anguilles, prisées sur les marchés asiatiques pour leur chair et leur usage culinaire, se sont imposées comme un produit à forte valeur ajoutée, surtout pour l’exportation.

Dans plusieurs communes comme Jérémie, Miragoâne ou Saint-Louis-du-Sud, la pêche d’anguilles est devenue un pilier économique local. Des centaines de familles vivent directement ou indirectement de cette activité. Les revenus générés permettent de financer la scolarité des enfants, de couvrir les frais médicaux et d’assurer une relative stabilité financière.

Le cœur du conflit : une baisse brutale des prix

Les accusations des pêcheurs

Depuis la fin de l’année 2024, les pêcheurs affirment que les exportateurs, principalement étrangers ou opérant via des intermédiaires haïtiens, ont imposé une chute drastique des prix d’achat. Dans certains cas, la rémunération aurait été divisée par dix, réduisant les marges de subsistance au strict minimum.

« Ils veulent nous acheter nos anguilles presque au prix de la poubelle », témoigne un pêcheur de la région de Jérémie. Pour lui et ses collègues, la situation n’a jamais été aussi critique. Beaucoup disent ne plus couvrir les coûts essentiels : carburant pour les embarcations, entretien des filets, transport des cargaisons.

Un rapport de force défavorable

La dépendance vis-à-vis des exportateurs constitue le maillon faible de cette chaîne. Les pêcheurs, isolés et dispersés, ne disposent pas d’un pouvoir de négociation collectif. À l’inverse, les acheteurs contrôlent l’accès aux marchés étrangers, disposent du capital nécessaire pour financer les opérations, et peuvent imposer leurs conditions.

L’Association Nationale des Fournisseurs d’Anguilles de Rivière d’Haïti (ANAFARH) accuse certains exportateurs d’opacité et de pratiques abusives. Dans une déclaration récente, ses représentants ont dénoncé une absence de transparence dans la fixation des prix et demandé une régulation plus stricte de l’État haïtien.

Le rôle des exportateurs : maillon dominant et contesté

L’interface avec les marchés internationaux

Les exportateurs haïtiens et étrangers sont le lien entre la capture locale et la consommation mondiale. Sans eux, il serait pratiquement impossible d’écouler la production sur les marchés asiatiques ou européens, où la demande pour l’anguille demeure forte malgré des réglementations environnementales strictes.

En raison de cette dépendance structurelle, les exportateurs jouissent d’un rapport de force asymétrique. Ils fixent les prix, organisent le transport, et gèrent les formalités administratives. Les pêcheurs se retrouvent souvent contraints d’accepter les conditions, faute d’alternative.

Les antécédents réglementaires

L’État haïtien a déjà tenté d’intervenir. En 2019, une décision ministérielle a fixé les frais administratifs d’exportation à 1 500 gourdes par kilo d’anguille, afin d’augmenter les recettes publiques et de régulariser le secteur. Toutefois, ces mesures ont peu changé la réalité quotidienne des pêcheurs, car la fixation du prix payé à la source reste hors du contrôle direct de l’État.

Conséquences pour les communautés de pêcheurs

Une activité en péril

Pour beaucoup de pêcheurs, l’équation économique est devenue intenable. Un kilo d’anguille vendu à perte ne couvre plus ni l’essence nécessaire pour sortir en mer ni l’entretien des embarcations. Plusieurs associations locales ont évoqué la possibilité de cesser purement et simplement la pêche, afin de protester contre la politique tarifaire imposée.

Cette perspective inquiète les familles dépendantes de cette activité saisonnière. Si je ne peux pas vendre mes anguilles à un prix juste, je ne pourrai pas envoyer mes enfants à l’école , confie un pêcheur de Nippes.

Effets sociaux et économiques

Une suspension prolongée du commerce aurait des répercussions profondes :

  • Perte de revenus pour des milliers de familles.
  • Exode rural vers les villes déjà saturées, accentuant les tensions sociales.
  • Abandon d’un savoir-faire traditionnel, transmis de génération en génération.

En outre, une telle crise pourrait favoriser l’émergence de marchés parallèles incontrôlés, avec des ventes clandestines et une augmentation des risques liés au trafic illégal.

Pourquoi une telle pression sur les prix ?

Déséquilibre du pouvoir économique

Le modèle économique actuel concentre la valeur ajoutée entre les mains des exportateurs. Ceux-ci profitent de leur accès aux marchés internationaux et de leur capacité de stockage et de transport pour imposer une baisse artificielle des tarifs.

Dans ce système, les pêcheurs représentent le maillon le plus vulnérable, incapables d’organiser une riposte coordonnée. Le manque de coopératives puissantes empêche toute négociation collective.

Facteurs extérieurs

La fluctuation des prix mondiaux des produits halieutiques joue également un rôle. Sur les marchés asiatiques, où l’anguille est prisée pour sa valeur gastronomique, la concurrence s’intensifie entre pays fournisseurs. La demande varie selon les périodes de l’année, influencée par des fêtes traditionnelles ou des régulations environnementales.

À cela s’ajoutent les contraintes logistiques et sanitaires : transport aérien coûteux, exigences de certification, taxes douanières. Pour compenser ces surcoûts, les exportateurs répercutent souvent la pression en amont, sur les pêcheurs.

Réponses possibles et tentatives de médiation

L’État haïtien en position délicate

Le gouvernement pourrait instaurer un prix plancher pour protéger les pêcheurs. Toutefois, cette mesure comporte des risques : si le prix fixé est jugé trop élevé par les exportateurs, ceux-ci pourraient se retirer du marché, laissant la production invendable.

En parallèle, des initiatives de coopératives de pêcheurs pourraient renforcer la capacité de négociation. En mutualisant les ressources et en organisant des circuits plus transparents, elles offriraient une alternative aux pratiques actuelles.

Soutien international et organisations locales

Certaines ONG spécialisées dans le développement rural plaident pour des programmes d’appui technique et financier. Ils visent à aider les pêcheurs à diversifier leurs débouchés, voire à transformer localement une partie de la production pour réduire la dépendance aux exportateurs.

Cependant, la mise en place de telles réformes suppose une stabilité politique et des financements que le pays peine à garantir.

Comparaisons régionales : leçons à tirer

Haïti n’est pas un cas isolé. Dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, les producteurs de crevettes et de thon font face à des pressions similaires de la part des exportateurs internationaux. Le déséquilibre des marges au sein des chaînes de valeur mondiales reste une constante : les petits producteurs supportent la plus grande part du risque, tandis que les acheteurs contrôlent la rentabilité.

Des pays comme le Sénégal ont tenté de réguler par la mise en place de bourses de pêche, où les prix sont fixés de manière plus transparente. D’autres, comme le Costa Rica, ont favorisé l’émergence de labels de commerce équitable, permettant aux pêcheurs d’accéder à des segments de marché plus rémunérateurs.

Haïti pourrait s’inspirer de ces expériences pour structurer une réponse durable.

Ce qu’il faut surveiller

La crise actuelle reste évolutive. Les éléments à observer dans les prochaines semaines incluent :

  • La réaction officielle du ministère de l’Agriculture et de la Pêche.
  • Les négociations entre exportateurs et associations locales.
  • L’évolution des volumes exportés et de la valeur globale du commerce d’anguilles.
  • La possibilité d’une intervention internationale pour appuyer un secteur stratégique mais fragile.

Le Mexique devient le premier pays d’Amérique Latine à soutenir le fonds pour Haïti dirigé par le Kenya

Hansae Reprend La Production En Haïti Et Envisage Une Expansion Alors Que La Stabilité S’Améliore

Dernier mot

Pour l’heure, les pêcheurs restent déterminés : sans révision des prix, ils menacent de stopper la capture et la vente. Si cette décision venait à se concrétiser, le commerce haïtien d’anguilles, déjà fragile, pourrait entrer dans une phase critique. Reste à savoir si l’État ou les partenaires internationaux parviendront à jouer les médiateurs dans un dossier devenu emblématique du rapport de force entre petits producteurs et exportateurs mondialisés.

Étranglent Les PrixExportateursHaïtiLe Commerce D’Anguilles !Les Pêcheurs Haïtiens Menacent D’ArrêterPlus De 85% De Réduction

Laisser un commentaire