Le secteur de la mode aux États-Unis inquiet face à l’expiration de l’AGOA et des programmes HOPE/HELP pour Haïti

L’industrie américaine de la mode s’alarme de l’expiration de l’AGOA et des programmes HOPE/HELP, qui garantissaient des avantages tarifaires aux pays africains et à Haïti. Leur fin fragilise les chaînes d’approvisionnement et menace la stabilité économique et sociale.

Published On:

L’industrie américaine de la mode tire la sonnette d’alarme après l’expiration, le 30 septembre 2025, de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) et des programmes spéciaux HOPE/HELP pour Haïti. Ces dispositifs, qui facilitaient les échanges commerciaux grâce à des exonérations douanières, constituaient un pilier essentiel des chaînes d’approvisionnement mondiales. Leur fin menace directement la compétitivité des marques américaines, tout en plongeant Haïti dans une incertitude économique et sociale accrue.

Le secteur de la mode aux États-Unis
Le secteur de la mode aux États-Unis

L’expiration de l’AGOA et des programmes HOPE/HELP place l’industrie américaine de la mode devant un dilemme stratégique : absorber des coûts plus élevés ou réorganiser profondément ses chaînes d’approvisionnement. Pour Haïti, la situation est encore plus critique : la perte de ces régimes préférentiels menace directement des dizaines de milliers d’emplois et pourrait aggraver une crise sociale et sécuritaire déjà explosive.

Nous perdons une occasion stratégique : non seulement pour le commerce, mais aussi pour la stabilité et l’influence régionale », résume un analyste en commerce international. La balle est désormais dans le camp du Congrès américain, dont les décisions dans les prochains mois détermineront l’avenir de deux décennies de coopération économique.

Comprendre les dispositifs arrivés à échéance

L’AGOA, un outil de développement commercial depuis 25 ans

Lancé en 2000 par l’administration Clinton, l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) avait pour but de renforcer les relations commerciales entre les États-Unis et les pays d’Afrique subsaharienne. Le dispositif permettait à plus de 6 000 produits – dont de nombreux textiles et articles de mode – d’entrer sans droits de douane sur le marché américain.

En contrepartie, les pays bénéficiaires devaient remplir certaines conditions liées à la gouvernance, aux droits humains et à l’ouverture des marchés. L’AGOA a favorisé la montée en puissance de l’industrie textile dans des pays comme le Kenya, l’Éthiopie ou Madagascar. Pour les marques américaines, cela garantissait un accès à des fournisseurs compétitifs, tout en diversifiant les chaînes d’approvisionnement hors d’Asie.

HOPE/HELP, un soutien vital pour Haïti

Les programmes HOPE (Haitian Hemispheric Opportunity through Partnership Encouragement) et HELP (Haiti Economic Lift Program), créés respectivement en 2006 et 2010, visaient spécifiquement Haïti. Ils autorisaient l’exportation de vêtements et d’articles textiles vers les États-Unis sans droits de douane, même lorsque certaines matières premières provenaient de pays tiers.

Ce régime particulier visait à stimuler l’économie haïtienne, durement frappée par l’instabilité politique, les catastrophes naturelles et une pauvreté endémique. Le textile est ainsi devenu le principal secteur exportateur d’Haïti : selon le Département du commerce américain, il représentait plus de 80 % des exportations du pays vers les États-Unis.

Un choc pour les chaînes d’approvisionnement mondiales

Retour aux tarifs douaniers standard

Depuis le 1er octobre 2025, les exportateurs africains et haïtiens doivent s’acquitter des droits de douane dits « de la nation la plus favorisée » (MFN). Pour des vêtements, ces droits peuvent atteindre entre 16 % et 32 % selon les produits.

Pour les importateurs américains, cette hausse se traduit par une augmentation immédiate des coûts. « Les marques ont planifié leurs collections sur des mois, parfois des années. Elles doivent absorber des charges imprévues ou renégocier dans l’urgence », explique Beth Hughes, vice-présidente du commerce et des douanes de l’American Apparel & Footwear Association (AAFA).

Menace sur l’emploi et la compétitivité

L’AAFA rappelle que le secteur de la mode soutient 3,6 millions d’emplois aux États-Unis, de la conception à la distribution. Les exonérations douanières permettaient d’importer à moindre coût, tout en soutenant la demande intérieure. La fin des programmes pourrait fragiliser de nombreuses entreprises de taille moyenne, incapables de répercuter intégralement la hausse des prix sur les consommateurs.

Selon l’US Fashion Industry Association, certaines enseignes envisagent déjà de réduire leurs volumes d’achat en Afrique ou en Haïti, au profit de l’Asie du Sud-Est ou de l’Amérique centrale. Mais une telle réorientation prend du temps et génère de nouveaux risques géopolitiques et logistiques.

Conséquences dramatiques pour Haïti

Une industrie vitale menacée

Haïti dépend fortement du textile, qui emploie environ 60 000 personnes dans des zones franches industrielles. Ces usines fournissent des vêtements pour des marques américaines grand public, notamment dans la grande distribution.

« La fin de HOPE/HELP est un coup de massue. C’est tout un écosystème qui vacille », avertit Maulik Radia, président de l’Association industrielle haïtienne. Selon lui, des milliers d’emplois pourraient disparaître dans les prochains mois si aucune mesure n’est prise.

Risques sociaux et sécuritaires

Au-delà de l’économie, les répercussions sociales inquiètent. Haïti traverse une crise sans précédent : près de 80 % de Port-au-Prince est sous le contrôle de gangs armés, selon l’ONU. Dans ce contexte, l’industrie textile représentait l’un des rares secteurs formels fournissant des emplois stables et légaux.

« Si ces travailleurs perdent leur emploi, le risque est qu’ils tombent dans la pauvreté extrême ou soient recrutés par les gangs », alerte Radia. Plusieurs experts estiment que l’instabilité sociale pourrait encore s’aggraver, avec des répercussions migratoires vers les États-Unis et les Caraïbes voisines.

Réactions officielles et appels à l’action

Les industriels américains pressent le Congrès

L’AAFA, la Footwear Distributors and Retailers of America (FDRA) et d’autres organisations professionnelles demandent une réautorisation rapide des programmes. « Nous avons besoin d’une action immédiate et bipartisane. Chaque jour de retard accroît l’incertitude », insiste Hughes.

Les associations rappellent que l’AGOA et HOPE/HELP ont été régulièrement renouvelés depuis deux décennies, toujours avec un large soutien politique. L’actuelle paralysie découle en grande partie du blocage budgétaire à Washington, qui a suspendu plusieurs projets de loi.

Des initiatives législatives en cours

La congressiste démocrate Stacey Plaskett, représentante des îles Vierges américaines, a présenté le projet de loi « HOPE for Haitian Prosperity Act ». Celui-ci prolongerait les préférences tarifaires jusqu’en 2035 et introduirait des programmes d’assistance technique pour moderniser le secteur.

Du côté de l’AGOA, plusieurs élus républicains et démocrates travaillent sur une prolongation rétroactive, afin que les importations réalisées après le 30 septembre puissent être remboursées des droits acquittés. Mais aucune date claire n’a encore été fixée pour un vote.

Implications géopolitiques et stratégiques

Une occasion manquée face à la Chine

Au-delà des aspects économiques, l’expiration de ces programmes a une portée géopolitique. En soutenant l’Afrique et Haïti, Washington cherchait à offrir une alternative crédible à l’influence chinoise dans ces régions.

« Les États-Unis abandonnent un outil stratégique majeur. Pékin pourrait profiter de cette brèche pour renforcer ses investissements et accroître sa présence commerciale », analyse un expert en relations internationales de l’Université Johns Hopkins.

Crédibilité américaine en question

Pour certains analystes, le message envoyé aux partenaires africains et caribéens est préoccupant. L’AGOA et HOPE/HELP étaient perçus comme des signes tangibles de l’engagement américain. Leur expiration, même temporaire, alimente un sentiment d’incertitude et pourrait fragiliser la confiance dans les promesses de Washington.

SBF 120 : Les Entreprises Réduisent leurs Investissements Face à une Dette Croissante

Bouygues : Plus Forte Hausse du CAC 40 Après une Note Favorable de Morgan Stanley

Perspectives et scénarios possibles

Une réautorisation rapide mais temporaire

Le scénario optimiste serait une adoption rapide d’une loi prorogeant les programmes pour un an, le temps de négocier une réforme plus globale. Cela permettrait de limiter les dégâts pour les entreprises et de rassurer les partenaires.

Une prolongation sur le long terme

Certains experts plaident pour une prolongation jusqu’en 2035, comme proposé pour Haïti. Une telle mesure offrirait la visibilité nécessaire aux investisseurs pour consolider leurs chaînes d’approvisionnement et moderniser les usines locales.

L’absence de solution

Le scénario le plus redouté reste l’inaction prolongée. Dans ce cas, de nombreux acheteurs américains se détourneraient définitivement de l’Afrique et d’Haïti, préférant renforcer leurs partenariats avec des fournisseurs asiatiques plus stables sur le plan commercial. Haïti, quant à elle, verrait son dernier grand secteur industriel s’effondrer.

HaïtiHOPE/HELPHOPE/HELP pour Haïtil’expiration de l’AGOALe secteur

Laisser un commentaire

Payment Sent