Près de 758 000 jeunes en France disposent d’une épargne constituée automatiquement à leur nom sans même le savoir. Ce 758 000 Jeunes, qui peut atteindre plusieurs milliers d’euros, reste largement ignoré par ses bénéficiaires. Les autorités, confrontées à ce paradoxe, multiplient les campagnes d’information afin que ces fonds soient enfin réclamés et utilisés.
Alors que la jeunesse française fait face à de nombreux défis économiques, sociaux et éducatifs, la découverte d’un capital de plusieurs milliers d’euros représente une opportunité concrète. Mais pour que ce 758 000 Jeunes devienne une réalité et non un trésor oublié, il faut une mobilisation collective : celle de l’État, des institutions éducatives et des jeunes eux-mêmes.

Comme le résume un économiste interrogé par l’AFP : « L’information est la clé. Ce n’est pas seulement une question de droits financiers, mais de confiance et d’avenir.
Un Dispositif Discret Mais Massif
Depuis plus d’une décennie, l’État a mis en place différents mécanismes d’épargne destinés aux jeunes. Leur objectif : offrir un filet de sécurité ou un tremplin au moment clé de l’entrée dans la vie active, des études supérieures ou de la formation professionnelle.
Le rôle central de la Caisse des dépôts
La Caisse des dépôts et consignations (CDC) joue un rôle pivot dans la gestion de ces fonds. Elle administre, pour le compte de l’État, plusieurs dispositifs dont le Compte personnel de formation (CPF) et le Compte d’engagement citoyen (CEC). Ces comptes, créés automatiquement, accumulent des droits ou des sommes en fonction de l’âge, du statut et des activités de chaque jeune.
Des montants qui peuvent changer une vie
Les chiffres communiqués par la CDC indiquent que les sommes en jeu ne sont pas négligeables. Certains bénéficiaires n’ont droit qu’à quelques centaines d’euros, mais d’autres disposent déjà d’un capital dépassant les 5 000 euros. Pour un étudiant ou un jeune salarié, ce montant peut représenter un loyer annuel, une formation professionnelle certifiante, voire une contribution à un projet entrepreneurial.
Pourquoi un Tel Oubli Collectif ?
Un déficit chronique d’information
L’un des principaux problèmes réside dans la communication. Selon plusieurs rapports de la Cour des comptes, les dispositifs d’épargne pour les jeunes n’ont jamais fait l’objet de campagnes d’information massives et continues. Résultat : des centaines de milliers de comptes demeurent dormants, faute de bénéficiaires informés de leur existence.
Des démarches numériques peu intuitives
Pour accéder à ces fonds, il est nécessaire de se connecter à des plateformes spécifiques comme moncompteformation.gouv.fr ou les portails de la CDC. Or, de nombreux jeunes ignorent l’existence de ces sites, ou peinent à les utiliser. Le recours à FranceConnect facilite l’identification, mais reste un obstacle pour ceux qui n’ont pas l’habitude des démarches administratives en ligne.
Le poids de la fracture numérique
La fracture numérique, qui touche particulièrement les foyers modestes et les zones rurales, contribue également à cet oubli. Pour beaucoup de jeunes issus de ces milieux, l’accès à Internet, aux ordinateurs ou à une éducation numérique de qualité demeure limité. Ce déficit freine l’appropriation de dispositifs qui se veulent pourtant universels.
Témoignages et Constats Officiels
Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts, a récemment insisté : « Cet argent appartient aux jeunes. Il est essentiel qu’ils en prennent connaissance et qu’ils puissent l’utiliser au moment opportun. »
Dans un rapport publié en 2023, la Cour des comptes rappelait que « la sous-utilisation des comptes de formation et des dispositifs d’épargne dédiés aux jeunes traduit un problème structurel d’information et d’accessibilité ». L’institution recommande un renforcement de la communication ciblée et une simplification des démarches.
Du côté des associations étudiantes, le constat est identique. La Fage (Fédération des associations générales étudiantes) estime que « l’État doit faire davantage pour rendre visibles ces droits », notamment via des campagnes sur les réseaux sociaux, principaux canaux d’information des jeunes générations.
Comparaisons Internationales
Le modèle britannique
Au Royaume-Uni, un dispositif similaire existe depuis 2005 : le Child Trust Fund. Chaque enfant né après cette date reçoit un compte épargne alimenté par une somme initiale versée par l’État. En 2020, environ un million de jeunes britanniques ignoraient encore l’existence de leur compte, selon le Trésor britannique. Le gouvernement a alors lancé une campagne massive de sensibilisation, avec des résultats significatifs.
L’exemple scandinave
En Norvège et en Suède, les comptes épargne jeunes sont largement connus grâce à une communication claire et centralisée. Les autorités envoient systématiquement un courrier et un message numérique dès l’ouverture du compte, puis rappellent régulièrement aux jeunes et à leurs familles l’existence de ces fonds. Cette transparence a permis de limiter le phénomène des comptes dormants.
Les Enjeux Economiques et Sociaux
Une manne sous-utilisée
Le volume total des fonds non réclamés par les jeunes Français est estimé à plusieurs milliards d’euros. Pour l’État, il s’agit d’une ressource bloquée qui pourrait dynamiser la formation professionnelle, soutenir la mobilité sociale et contribuer à réduire les inégalités.
Un levier contre les difficultés des jeunes
Dans un contexte marqué par l’inflation, la précarité étudiante et les difficultés d’accès au logement, l’existence d’un capital caché peut changer la trajectoire d’un jeune adulte. Les économistes rappellent que l’activation de ces comptes pourrait jouer un rôle direct dans l’amélioration du pouvoir d’achat et de la formation des jeunes générations.
Quelles Solutions Envisagées ?
Vers une information plus directe
Le gouvernement envisage de lancer une campagne nationale de sensibilisation en partenariat avec les établissements scolaires et universitaires. L’idée serait d’intégrer l’information sur ces dispositifs dans les parcours d’orientation et d’accueil des étudiants.
Simplification et centralisation
Les associations de consommateurs demandent la création d’un guichet unique regroupant tous les comptes et droits existants pour les jeunes. Une seule interface en ligne permettrait d’éviter la dispersion actuelle entre plusieurs sites et portails administratifs.
Une responsabilisation individuelle
Les autorités insistent toutefois sur le rôle actif des bénéficiaires. Les jeunes doivent eux-mêmes prendre l’initiative de vérifier leur situation. « La transparence existe, mais encore faut-il aller chercher l’information », souligne un rapport sénatorial publié en 2022.
Les Perspectives
L’enjeu est double : il s’agit à la fois de renforcer la confiance des citoyens dans les institutions publiques et de favoriser l’autonomie des jeunes adultes. En rendant ces droits visibles et accessibles, l’État espère réduire le nombre de comptes dormants et renforcer l’efficacité de ses politiques sociales et éducatives.
À long terme, certains experts suggèrent d’aller plus loin en liant automatiquement ces fonds à des usages précis, comme le financement des études supérieures ou l’accès au logement, afin d’en maximiser l’impact économique et social.